Il faut changer le logiciel de fonctionnement de l’Union ; il faut passer d’une logique de défiance légitime à une logique de confiance entre les acteurs. Tout le système de gestion du budget communautaire est fondé aujourd’hui sur l’empilement des contrôles afin de refaire les vérifications effectuées par les niveaux inférieurs pour s’assurer qu’elles ont été bien menées. C’est d’ailleurs l’une des principales conclusions du groupe d’experts de haut niveau sur la simplification de la gestion de la politique de cohésion, présidé par Siim Kallas et institué par Mme Cretu, commissaire à la politique régionale. “Tout le système de gestion du budget communautaire est fondé aujourd’hui sur l’empilement des contrôles afin de refaire les vérifications effectuées par les niveaux inférieurs pour s’assurer qu’elles ont été bien menées” Une autre piste fréquemment invoquée dans les enceintes qui réfléchissent à l’avenir de l’Europe après 2020 est celle du principe du contrôle ou de l’audit unique. Selon ce principe, on ne contrôle pas deux fois la même opération ou entité comme c’est le cas actuellement ; on fait confiance au niveau précédent de contrôle. Les règles du futur cadre financier pluriannuel doivent parvenir à simplifier la hiérarchie des contrôles – un bénéficiaire ou un service instructeur peuvent subir jusqu’à 7 types et niveaux de contrôles différents dans le domaine des fonds de cohésion actuellement. La lutte sera toutefois difficile, car si la bonne foi et la bonne volonté des commissaires sont indubitables, les services administratifs de la Commission sont très loin de partager cette vision et ont déjà commencé à faire de la résistance, sinon de l’obstruction. Sur les 751 députés du Parlement européen, qualifié par vous de “monde de connivence”, trente seraient vraiment actifs, les autres se répartissant en “fantassins”, “touristes” et “parias” (p. 50). Une telle caricature de la démocratie peut-elle faire illusion longtemps ? Cela fait 25 ans que cela dure avec la création de la codécision par le Traité de Maastricht en 1992, alors pourquoi pas 25 ans de plus ? D’ailleurs, notre propre Parlement est-il si différent ? Les politiques et les médias magnifient le rôle de la fonction parlementaire et l’idéalisent. En réalité, le partage des postes et des rôles au Parlement européen entre les deux partis majoritaires, PPE [Parti populaire européen] et S&D [Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen], avec un soutien complaisant de l’ALDE [Parti de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe], montre très bien que l’on est loin de la vision idyllique qui nous est vantée. “Les politiques et les médias magnifient le rôle de la fonction parlementaire et l’idéalisent” D’ailleurs, les taux de participation aux élections européennes toujours plus décevants d’élection en élection, ainsi que les résultats des partis eurosceptiques, voire europhobes, attestent de ce malaise général vis-à-vis de l’institution parlementaire européenne. “Reconnaître à la Charte des droits fondamentaux une valeur constitutionnelle a sans doute été l’une des plus insondables bêtises commises par les politiques européens”, écrivez-vous (p. 69). Les conséquences de cette “bêtise” seraient calamiteuses en ce qui concerne la défense de la laïcité, la protection du droit de propriété, l’immigration non souhaitée. Comment faire, alors ? Il ne faut rien faire ; si, comme je le crois, cet instrument est corrosif, il perdra naturellement son statut d’icône ou de nouvelle “table de la loi”, que certains sont parvenus à lui donner, et il sombrera alors dans l’oubli. Dans le cas contraire, je préfère ne pas avoir à constater le résultat ! Il ne faut pas se leurrer, il est extrêmement difficile à notre époque de défaire ce qui a été patiemment construit et présenté indûment comme un instrument fédérateur. Vous voyez “quelques bouffées d’oxygène” (p 69) dans les récentes initiatives de la Grande-Bretagne et de la Hongrie, qui sont plutôt des motifs d’anxiété pour le commun des mortels. De quel oxygène s’agit-il ? Depuis longtemps s’est imposée l’idée qu’il n’y avait qu’une seule voie possible, “toujours plus d’Europe”, d’où une course-poursuite, traité après traité, à toujours accroître les domaines d’intervention de l’Union. Quand les peuples contestaient cette marche forcée et ne souscrivaient pas à cette vision, les pouvoirs en place habités par la foi dans leur Europe trouvaient une arabesque latérale ou procédaient à un saut sémantique pour renvoyer leurs “bons peuples” à leurs occupations. Le processus qui a mené à l’adoption du Traité de Lisbonne a été la quintessence de cette stratégie.
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