La redistribution, une evolution sociale


J’ai toujours été sidéré que notre pays ait pu se laisser submerger par ce système d’aides sociales. Mais aujourd’hui, j’ai finalement reçu un début de réponse à cette énigme. Dernièrement, j’ai en effet suivi un séminaire à Tours au cours duquel un intervenant a entrepris de mettre en évidence l’évolution naturelle qui s’applique à tous les pays en matière de répartition de richesse. Son intervention m’a paru particulièrement sensée parce qu’elle expliquait comment ceux-ci répartissent finalement la richesse en fonction de leur niveau de développement. Il a commencé par démontrer que dans les sociétés très pauvres, l’inégalité était assez faible. La population est en effet dans l’ensemble dans la même situation précaire et les différences de revenus sont automatiquement restreintes. Lorsque la société s’enrichit, l’inégalité se développe. Car dans le cas d’une phase de croissance massive, tout un chacun ne progresse pas de la même manière. Au cours de cette phase décisive, les clés du succès sont surtout dans l’accès à des moyens financiers. Comme au départ, ces facteurs divergent considérablement selon les individus, la progression de la richesse au sein de la société sera elle aussi distribuée de manière très inégale. L’ensemble de la prospérité se développera très vite mais tout le monde n’en profitera pas de la même façon. C’est un tel phénomène qui est actuellement à l’oeuvre au Mexique. Cependant, à partir d’un certain niveau de revenus, les choses changent. C’est généralement le moment où le citoyen moyen est également devenu un électeur ; il peut dès lors faire clairement entendre que la redistribution est primordiale à ses yeux, ce qui en fera de plus en plus une priorité dans l’agenda politique. Les pays occidentaux se trouvent presque tous dans cette phase d’inégalité très faible. Si ce séminaire à Tours m’a surtout plu pour son organisation, je dois dire que le discours de cet intervenant m’a séduit, car il livrait une des clefs de la compréhension du monde actuel. Contrairement à ce que certains prétendent, notre pays compte dans le palmarès des pays où l’inégalité a diminué le plus au cours de ces dernières années. Cette obsession croissante mise sur la redistribution en vient cependant, à terme, à occulter la recherche de prospérité. Ce qui fait qu’il y a, au final, moins à redistribuer. Je vous laisse le lien vers le site spécialiste de ce séminaire dans les Chateaux de la Loire.



L’Europe et manger le morceau


Il faut changer le logiciel de fonctionnement de l’Union ; il faut passer d’une logique de défiance légitime à une logique de confiance entre les acteurs. Tout le système de gestion du budget communautaire est fondé aujourd’hui sur l’empilement des contrôles afin de refaire les vérifications effectuées par les niveaux inférieurs pour s’assurer qu’elles ont été bien menées. C’est d’ailleurs l’une des principales conclusions du groupe d’experts de haut niveau sur la simplification de la gestion de la politique de cohésion, présidé par Siim Kallas et institué par Mme Cretu, commissaire à la politique régionale. “Tout le système de gestion du budget communautaire est fondé aujourd’hui sur l’empilement des contrôles afin de refaire les vérifications effectuées par les niveaux inférieurs pour s’assurer qu’elles ont été bien menées” Une autre piste fréquemment invoquée dans les enceintes qui réfléchissent à l’avenir de l’Europe après 2020 est celle du principe du contrôle ou de l’audit unique. Selon ce principe, on ne contrôle pas deux fois la même opération ou entité comme c’est le cas actuellement ; on fait confiance au niveau précédent de contrôle. Les règles du futur cadre financier pluriannuel doivent parvenir à simplifier la hiérarchie des contrôles – un bénéficiaire ou un service instructeur peuvent subir jusqu’à 7 types et niveaux de contrôles différents dans le domaine des fonds de cohésion actuellement. La lutte sera toutefois difficile, car si la bonne foi et la bonne volonté des commissaires sont indubitables, les services administratifs de la Commission sont très loin de partager cette vision et ont déjà commencé à faire de la résistance, sinon de l’obstruction. Sur les 751 députés du Parlement européen, qualifié par vous de “monde de connivence”, trente seraient vraiment actifs, les autres se répartissant en “fantassins”, “touristes” et “parias” (p. 50). Une telle caricature de la démocratie peut-elle faire illusion longtemps ? Cela fait 25 ans que cela dure avec la création de la codécision par le Traité de Maastricht en 1992, alors pourquoi pas 25 ans de plus ? D’ailleurs, notre propre Parlement est-il si différent ? Les politiques et les médias magnifient le rôle de la fonction parlementaire et l’idéalisent. En réalité, le partage des postes et des rôles au Parlement européen entre les deux partis majoritaires, PPE [Parti populaire européen] et S&D [Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen], avec un soutien complaisant de l’ALDE [Parti de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe], montre très bien que l’on est loin de la vision idyllique qui nous est vantée. “Les politiques et les médias magnifient le rôle de la fonction parlementaire et l’idéalisent” D’ailleurs, les taux de participation aux élections européennes toujours plus décevants d’élection en élection, ainsi que les résultats des partis eurosceptiques, voire europhobes, attestent de ce malaise général vis-à-vis de l’institution parlementaire européenne. “Reconnaître à la Charte des droits fondamentaux une valeur constitutionnelle a sans doute été l’une des plus insondables bêtises commises par les politiques européens”, écrivez-vous (p. 69). Les conséquences de cette “bêtise” seraient calamiteuses en ce qui concerne la défense de la laïcité, la protection du droit de propriété, l’immigration non souhaitée. Comment faire, alors ? Il ne faut rien faire ; si, comme je le crois, cet instrument est corrosif, il perdra naturellement son statut d’icône ou de nouvelle “table de la loi”, que certains sont parvenus à lui donner, et il sombrera alors dans l’oubli. Dans le cas contraire, je préfère ne pas avoir à constater le résultat ! Il ne faut pas se leurrer, il est extrêmement difficile à notre époque de défaire ce qui a été patiemment construit et présenté indûment comme un instrument fédérateur. Vous voyez “quelques bouffées d’oxygène” (p 69) dans les récentes initiatives de la Grande-Bretagne et de la Hongrie, qui sont plutôt des motifs d’anxiété pour le commun des mortels. De quel oxygène s’agit-il ? Depuis longtemps s’est imposée l’idée qu’il n’y avait qu’une seule voie possible, “toujours plus d’Europe”, d’où une course-poursuite, traité après traité, à toujours accroître les domaines d’intervention de l’Union. Quand les peuples contestaient cette marche forcée et ne souscrivaient pas à cette vision, les pouvoirs en place habités par la foi dans leur Europe trouvaient une arabesque latérale ou procédaient à un saut sémantique pour renvoyer leurs “bons peuples” à leurs occupations. Le processus qui a mené à l’adoption du Traité de Lisbonne a été la quintessence de cette stratégie.